Le budget de la Sécu adopté à l'Assemblée, victoire cruciale pour Lecornu
Les députés ont adopté de peu mardi le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2026, une victoire cruciale pour le Premier ministre Sébastien Lecornu, qui gagne son pari dans une Assemblée sans majorité et sans avoir utilisé le 49.3.
La chambre basse a adopté le projet de loi, qui contient la suspension de l'emblématique réforme des retraites, par 247 voix contre 234. Après un dernier passage au Sénat, vendredi, il devra revenir à l'Assemblée pour un ultime feu vert.
"Cette victoire" est "d'abord celle du Parlement", a abondé le patron du PS Olivier Faure, l'autre responsable politique qui aurait été particulièrement impacté par un échec.
L'issue du vote était particulièrement incertaine du fait du refus affiché par les dirigeants des Républicains et d'Horizons de soutenir le texte.
- Macronistes et PS pour, la droite divisée -
Et malgré les critiques acerbes du patron du parti Bruno Retailleau, 18 députés LR ont voté pour le texte (3 contre, 28 abstentions).
Le patron des députés LR Laurent Wauquiez, a lui invoqué des victoires sur des réductions de hausse d'impôt, la défiscalisation des heures supplémentaires, ou l'indexation totale des retraites. Et peu avant le scrutin, le gouvernement a renoncé sous pression de LR à une mesure visant à encadrer des profits supérieurs à la moyenne dans certains secteurs comme la radiologie.
"Ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux qui se dressent devant nous", a estimé le chef du groupe Horizons Paul Christophe. Neuf députés de son groupe ont toutefois voté pour (25 abstentions).
Au bilan le projet de loi a été soutenu très largement par Renaissance et le MoDem (unanimement pour), le PS (63 pour, 6 abstentions) et les indépendants de Liot (20 pour, deux abstentions).
Le gouvernement a aussi multiplié les gestes ces derniers jours pour obtenir la clémence des écologistes.
Un amendement augmentant l'objectif des dépenses de l'assurance maladie (Ondam) d'environ 3% au lieu de 2% a ainsi été adopté mardi, essentiellement pour acter le renoncement à l'augmentation des franchises médicales (reste à charge dû par les patients, par exemple sur les médicaments).
Estimant avoir décroché des investissements pour un fonctionnement "à niveau constant" des hôpitaux et de la médecine de ville, les écologistes se sont majoritairement abstenus (26 abstentions, 3 pour, 9 contre).
- "Changement d'alliance" -
A contrario l'alliance RN-UDR et les Insoumis ont été unanimes dans leur opposition. Mathilde Panot, cheffe du groupe LFI, dénonçant un "changement d'alliance" des socialistes, et appelant les écologistes à renverser leur position d'ici le vote définitif.
Celui-ci pourrait avoir lieu "la semaine prochaine", selon le patron du groupe MoDem Marc Fesneau.
Nommé il y a trois mois à Matignon, Sébastien Lecornu sort provisoirement renforcé de ce scrutin à haut risque.
Alors que la question de son départ aurait immanquablement été posée par un rejet, sa méthode des "petits pas", élaborant des compromis au jour le jour pour passer les obstacles un par un, s'est finalement montrée payante.
Pour l'Assemblée, qui fonctionne sans majorité absolue depuis 2022, il s'agit aussi d'une étape dont beaucoup doutaient qu'elle puisse être franchie, alors que l'examen s'est fait dans des délais contraints et un hémicycle ultra-fragmenté.
Si le texte est définitivement adopté, le déficit de la Sécurité sociale prévu l'année prochaine est estimé à 19,4 milliards d'euros, a déclaré la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin (contre 23 milliards en 2025). Mais au prix de transferts de 4,5 milliards d'euros des caisses de l'Etat vers celles de la Sécu, au grand dam notamment d'Horizons.
Au-delà de la Sécurité sociale, qui célèbre ses 80 ans, l'enjeu porte aussi sur toute la séquence budgétaire.
Au gouvernement, on considère que l'adoption du budget de la Sécu pourrait entraîner une dynamique positive pour celui de l'Etat, actuellement au Sénat et sensiblement plus difficile à faire adopter, en l'absence d'une mesure aussi forte que la suspension de la réforme des retraites.
"Ce sera difficile", a d'ailleurs reconnu mardi Sébastien Lecornu. "Nous en sommes très, très loin" a souligné Olivier Faure, appelant le gouvernement à avoir "la même approche" que sur le budget de la Sécu.
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H.Bauer--BlnAP