Birmanie: une frappe aérienne de la junte sur un hôpital fait 33 morts (OMS)
Une frappe aérienne de la junte sur un hôpital de l'ouest de la Birmanie a fait 33 morts, ont annoncé jeudi l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et un groupe rebelle, alors que l'armée mène une vaste offensive à l'approche d'élections.
"La situation est terrible", a déclaré un travailleur humanitaire, Wai Hun Aung, évoquant une frappe mercredi soir d'un avion militaire contre l'hôpital général de la ville de Mrauk U, dans l'Etat de Rakhine, près de la frontière avec le Bangladesh.
"C'est un acte inhumain", "ignoble", a-t-il dit. Arrivé sur place jeudi matin, il avait fait état d'un bilan provisoire de 31 morts et de 68 blessés.
Contacté, un porte-parole de la junte n'a pas répondu dans l'immédiat.
"Au moins 33 personnes ont été tuées et 20 blessées, parmi lesquelles des personnels de santé, des patients et des membres de leurs familles", a indiqué jeudi sur X le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, soulignant que l'hôpital de Mrauk U "est le principal centre de soins de santé de la région".
Maung Bu Chay, un menuisier, dit avoir perdu trois de ses proches, sa femme, sa belle-fille et le père de celle-ci.
"J'ai entendu l'explosion depuis mon village", raconte cet homme de 61 ans. "J'ai passé toute la nuit sans savoir où les bombes étaient tombées".
"Quand j'ai appris qu'ils (ses proches) se trouvaient dans le bâtiment complètement détruit, j'ai compris qu’ils n’avaient pas survécu", poursuit-il. "Je ressens une forte colère et de la défiance dans mon coeur".
- Armée d'Arakan -
L'ONU a réclamé jeudi des "enquêtes", le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Türk, soulignant sur X que "de telles attaques pourraient constituer un crime de guerre".
Selon les observateurs de la guerre civile birmane, la junte a intensifié ses frappes aériennes année après année après avoir pris le pouvoir lors d'un coup d'Etat en 2021, qui a mis fin à une décennie d'expérience démocratique.
L'armée a programmé des élections législatives à partir du 28 décembre, les présentant comme une issue possible aux conflit.
Mais les rebelles ont promis d'empêcher le scrutin dans les territoires qu'ils contrôlent et que la junte tente de reconquérir.
L'Etat de Rakhine est presque entièrement contrôlé par l'Armée d'Arakan (AA), un groupe ethnique armé actif bien avant que l'armée ne renverse le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi.
Le groupe a annoncé dans un communiqué que 33 personnes avaient été tuées et 76 blessées lors de la frappe.
L'AA est devenue l'un des groupes rebelles les plus puissants dans la guerre civile qui ravage la Birmanie, aux côtés d'autres combattants issus de minorités ethniques et de partisans pro-démocratie ayant pris les armes après le coup d'Etat de 2021.
Les rebelles, dispersés, ont d'abord eu du mal à progresser avant que trois groupes ne lancent une offensive conjointe en 2023, mettant l'armée en difficulté et la poussant à renforcer ses troupes par la conscription.
- Faim -
L’AA a joué un rôle clé dans cette "Alliance des trois frères", mais ses deux factions alliées ont accepté cette année des trêves négociées par la Chine, la laissant seule à combattre.
Alors que les élections organisées par la junte sont vivement critiquées par de nombreux pays et les Nations unies, Pékin estime qu'elles devraient contribuer à "rétablir la stabilité sociale" chez son voisin birman.
Même si l'AA s'est révélée être un adversaire redoutable pour la junte, ses ambitions restent largement limitées à son territoire natal du Rakhine, bordé au sud par la baie du Bengale et au nord par des montagnes boisées.
L'armée a imposé de son côté un blocus à l'Etat de Rakhine, contribuant à une "augmentation spectaculaire de la faim et de la malnutrition", selon le Programme alimentaire mondial.
C.W.Kuhn--BlnAP